Le 30 juin 1940, Émile Muselier (1882-1965) arrivait en Angleterre, après une odyssée solitaire qui l’avait conduit de Paris à Gibraltar. Seul amiral français désireux de poursuivre le combat, il se mit aussitôt aux ordres du général de Gaulle, qui était pourtant moins gradé que lui. Il sut très vite, en organisant les forces navales françaises libres, forger un outil militaire efficace et indépendant de la Royal Navy. Les marins de l’amiral Muselier furent ainsi les premiers Français à affronter les forces de l’Axe après la défaite de 1940. Mais l’histoire de Muselier, après juin 1940, ne se réduit pas à celle d’un patriote courageux, créateur de la croix de Lorraine. C’est aussi, avec de Gaulle, le choc de deux tempéraments, de deux ambitions et, pour tout dire, de deux visions politiques. À Londres, l’amiral se pose en tenant de la légitimité républicaine dévoyée par Vichy. Depuis l’équipée malheureuse de Dakar, jusqu’au ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, en passant par les démêlés rocambolesques avec les Anglo-Saxons, Muselier incarne une ambition concurrente à celle du Général, et son échec ne doit pas en diminuer la grandeur. Cette biographie est, en grande partie, fondée sur les archives inédites de l’amiral, confisquées à sa mort en 1965, puis longtemps inaccessibles. Elle révèle le parcours d’un homme exceptionnel, qui fut toute sa vie un républicain épris d’honneur et de justice. Ce Marseillais, camarade de promotion de Darlan à l’École navale, était l’un des plus brillants officiers de sa génération. Il fut aussi bien héros de la guerre des tranchées, à la tête de ses Fusiliers marins, que collaborateur de Clemenceau, et témoin sévère des faiblesses militaires et politiques de la France de l’entre-deux-guerres. Il importe aujourd’hui de restituer ce destin, dans son ampleur et sa complexité.