Ce que nous avons cherché d’abord dans la montagne, c’est la montagne elle-même. Elle reste à nos yeux une école d’énergie, de ténacité, de sérénité, un refuge d’apaisement moral. Sa beauté, sa grandeur, sa solitude, son influence sur notre état physique et sur notre âme, fille exaltée de la cité antique et fille meurtrie de la cité moderne, la pureté qu’elle dégage, l’équilibre qu’elle procure, la liberté qu’elle exalte, l’hymne d’infini qu’elle chante, sont des bienfaits inestimables créant, l’amour qu’elle inspire et le transformant en un véritable culte. Voilà pourquoi, depuis quarante ans, j’ai consacré toutes mes vacances à la montagne, cherchant à m’y rendre utile par mes études et ne trouvant que là-haut le repos idéal du corps et le calme de l’esprit. [...] Sans avoir la ridicule prétention de célébrer mon idole comme surent le faire les Russell, les Schrader et tant d’autres, si je n’ai ni leur plume, ni leur savoir, ni leur lyre, je garde au coeur pour la montagne l’amour profond et fidèle des simples. Et l’amour ne se mesure pas à l’éloquence ou à l’insuffisance de son expression. [...] Mais à côté des brutalités industrielles, il y a les doux savants. Le géologue arrache aux rochers leur secret de 50.000 ans et au delà ; botanique, faune, flore suscitent d’ardentes recherches ; on lit les glaciers ; on a compté et sondé tous les lacs de la chaîne ; on « triangule » en vue de l’établissement de cartes nouvelles à grande échelle. C’est à ce dernier labeur si captivant que j’ai désiré employer tous mes loisirs depuis 1907, en commençant par établir la triangulation complémentaire de la Vallée de Cauterets pour préparer la carte au 20.000e de toute la région autour du massif du Vignemale. J’ai publié mes premières excursions topographiques et toponymiques. Désormais les notes frustes et sans prétention, prises au hasard dans mes campagnes, rédigées sous ma tente ou sous le vent de quelque belvédère effarant formeront, avec le premier volume, la Monographie de la région frontière, entre le centre alpin de Gavarnie et la station touristique et thermale de Cauterets (Extrait de la Préface, éd. originale de 1928).
Alphonse Meillon (1862-1933) né à Cauterets, propriétaire des Hôtels Gassion (à Pau) et d’Angleterre (à Cauterets), il s’intéresse très tôt aux Pyrénées, à la géologie, à la toponymie et à l’histoire locale. On lui doit de nombreux ouvrages sur la région de Cauterets : Cauterets, chasses, excursions ; Esquisse toponymique sur la vallée de Cauterets ; Histoire de la vallée de Cauterets ; Excursions topographiques dans la vallée de Cauterets.
Nouvelle édition entièrement recomposée. Un incontournable classique pour qui connaître le passé et l’histoire de la contrée et ce qu’était le pyrénéisme au début du XXe siècle.