Qu’est-ce que fait un chat qui aboie ? Pour le moins une incongruité, au pire une erreur essentielle : il fait précisément ce pour quoi il n’est pas fait. De même Armand Peuche, le personnage central d’« Un Chat qui aboie », était-il fait pour aimer Rose, sa femme, celle qu’il a choisie contre le gré de sa mère Louise-Anna ? On pourrait en douter à voir les excès dévorants, la conduite hors nature, les larmes, le sang, le crime, que charrie, vers Armand, sa fureur d’aimer. Tout se décide, pour lui, ce jour du grand hiver 1930 où il conduit Rose à l’autel. C’est là le début de l’amour de Peuche, de ses vingt-trois ans de malheur, de bonheur, de ses erreurs, de son entêtement, de son cyclisme, de ses machines à fouetter, de son infernale mémoire. L’axe de la vie du grand Peuche — celui qui aboie —, son ciel, sa tombe, c’est sa Rose, Rose la rousse, la captieuse, qui, un jour de fête, fuit vers Lyon avec l’agronome Colombille. À Lyon, l’alcool, la faim, la misère attendent, justement, l’infidèle, — aléas que Rose traverse avec la démarche royale des personnes au cœur ambigu. Rien de définitif ne se produirait cependant si ne s’avançait pas soudain, séparant le flot du roman et bousculant la famille Peuche, — si ne s’avançait pas la grande, la voluptueuse, l’avide, la blonde, la songeuse, la bavarde Roma Heïdowicz. C’est de ce pernicieux mélange : les Peuche et Roma Heïdowicz, que naissent la flamme orange et folle, l’immense déflagration finale où Armand Peuche a cru, sans doute, exterminer le monde entier. De la même façon, c’est ce mélange détonant — l’amour et le goût de la mort — qui donne un ton spécial au livre de Gérard Jarlot : à mi-chemin du roman et de l’épopée, au cœur du burlesque et du drame. Gérard Jarlot, né en 1923 à Saumur, a déjà publié Les Armes blanches, Un mauvais lieu, et en collaboration avec Marguerite Duras, Une aussi longue absence.